Nacci

Emanuele Nacci

Avocat au pénal, spécialiste de droit constitutionnel (IT)

L’abrogation de la Loi italienne identifiant  l’influence illicite (l’assujettissement) comme légalement répréhensible : la liberté individuelle : dans quelle mesure est-elle protégée? Remarques, propositions – initiatives.

 

La norme pénale définissant  l’influence illicite exercée par un sujet sur un autre individu a été jugée illégitime et a été éliminée du Code Pénal par la Cour Constitutionnelle par le jugement n° 96  du 18 juin 1981, ceci en raison d’une contradiction entre l’article n° 603 du Code Pénal, qui définissait l’assujettissement, et les articles n° 21 et n° 25 de la Constitution Italienne.

 

L’article n° 603 affirmait comme suit: « Quiconque exercera son pouvoir sur une autre personne afin de réduire celle-ci à un état d’assujettissement total sera puni de 5 à 15 ans d’emprisonnement ».

Ainsi fut mis un terme à l’existence d’une ordonnance contenue dans le Code Rocco qui pendant presque cinquante ans avait été peu appliquée, et pas de manière tangible.

 

Le jugement d’abrogation confirma  la violation du principe de pouvoir qualifier et définir qu’une norme doit respecter, ainsi que stipulé dans l’Article n° 25 de la Constitution. En effet, l’absence de tels principes, impérieux et fondamentaux, laisse la définition des actes réels constituant un délit à la seule appréciation du juge.

 

Le danger qui découle du pouvoir discrétionnaire du juge permet que les faits prouvés d’un état d’assujettissement total dû à une influence illicite soient assimilés à des conditions d’assujettissement psychologique considéré comme parfaitement licite et accepté comme tel par le système pénal.

 

En outre, le prosélytisme religieux, politique ou autre ne doit pas être écarté. Le terme complet, assujettissement psychologique, n’a en aucun cas aidé à éclaircir davantage la norme abrogée ; il l’a au contraire rendue encore plus confuse et inapplicable.  En ce qui concerne la contradiction avec l’Art. n° 21 de la Constitution Italienne, la norme abrogée n’apportait aucune garantie en ce qui concerne la libre expression de la pensée, le libre choix ou la libre initiative ; elle s’est retrouvée face à ses limites  en s’intéressant à l’intégrité psychique de l’individu lorsque celui-ci devenait un moyen de pression violent ou *subtil par l’assujettissement à la volonté de quelqu’un d’autre réalisé par des modèles et des pratiques de manipulation mentale.

 

Nous sommes face à un problème plus pertinent et sérieux que jamais, puisque  l’assujettissement et les mécanismes qui l’accompagnent représentent toujours une réalité dans le cadre des rapports entre personnes. Il existe des véritables dangers dans le domaine de la liberté individuelle, et en particulier  dans celui de la protection de l’identité individuelle.

 

Le but n’est pas tant d’assurer la liberté individuelle, en dépit de son caractère  fondamental et indissoluble, mais plutôt d’éviter que le pouvoir illicite et asservissant d’un individu ne soit en contradiction avec le  pouvoir public, ou plus concrètement, avec l’idéologie et la morale communes.

 

Comme déjà dit, le problème est vraiment sérieux, il mérite notre attention et celle du système de contrôle social; il représente quotidiennement une mise en oeuvre subversive du droit à bâtir des relations avec d’autres personnes et il peut devenir un problème plus grave encore faute de recevoir l’attention appropriée.

 

Le vide qui s’est creusé dans le système pénal italien a d’une part fait naître la conviction générale que le crime d’assujettissement n’existe plus, pour peu qu’il ait jamais existé, et a d’autre part amené ceux qui asservissent et manipulent l’esprit d’autres personnes à persister dans leurs comportements pervers et illicites, en ayant la certitude de ne courir aucun risque d’être poursuivis pénalement.

 

Les effets dévastateurs sont perceptibles dans la propagation en Italie, et je suppose aussi dans des autres pays, d’activités qui sont dangereuses pour l’individu et pour la société dans son ensemble ; de telles activités sont mises en oeuvre par des individus indépendants, mauvais et masqués, ainsi que par des activités pseudo religieuses qui par leurs dispositions persuasives et surtout suggestives, diminuent, et/ou éliminent totalement  les défenses individuelles, influençant ainsi fortement la volonté des personnes qui se trouvent impliquées.

 

Il s’agit là de moyens vérifiés, affirmés et compris aujourd’hui qui représentent clairement le rapport de domination du sujet assujettissant sur le sujet assujetti. Ils peuvent mener à la longue à l’aliénation et l’assujettissement total de la personne outragée, devenue la victime de l’influence pernicieuse  d’individus  malfaisants.

 

Les individus sont dépossédés de leur liberté personnelle et individuelle, perdent leur autodétermination, ne considèrent plus leurs propres choix comme légitimes, leurs cerveaux sont vidés jusqu’à perdre leur facultés mentales; ils tombent malades et, petit à petit, ils vont entreprendre d’assujettir d’autres personnes, adoptant des comportements odieux et illégaux qu’ils n’auraient même jamais envisagé d’adopter.

 

Que peut-on dire aujourd’hui sur la sauvegarde de la liberté personnelle? Ou mieux, jusqu’à quel point l’individu est-il protégé aujourd’hui? J’ose affirmer qu’il n’existe guère de sauvegarde actuellement. Aussi, notre réunion doit-elle tendre vers le but de stimuler les corps d’Etat appropriés et les autorités somnolentes pour qu’ils sauvegardent l’être humain  et ses libertés. Le status-libertatis doit être garanti entre le libre choix et le châtiment pour tous ces agissements qui ont comme résultat De Jure ou De Facto réification des personnes et de ce fait une annihilation substantielle de la personnalité.

 

La liberté individuelle prévue  dans l’Article n° 13 de la Constitution Italienne est, comme nous le savons tous, une des libertés fondamentales et inviolables. Sa protection précède et influence toutes les autres libertés civiques et politiques; qui plus est, des attaques dirigées contre le status-libertatis constituent une négation de la place centrale de l’être humain.

 

Les personnes qui mettent en oeuvre l’assujettissement voient leurs agissements facilités par l’incapacité du judiciaire à intervenir, faute de disposer d’instruments normatifs capables d’identifier l’assujettissement et donc d’incriminer les sujets par lesquels il est perpétré.

 

Ces derniers sont libres de faire le nombre de victimes qu’ils le souhaitent, étouffant ainsi les libertés prévues  dans la Constitution Italienne. Des victimes transformées en esclaves ! A cet égard, le Parlement Européen a exprimé ses recommandations à maintes reprises, montrant qu’il est conscient de la diffusion du phénomène sectaire et de personnes qui pratiquent l’assujettissement; il a appelé les Gouvernements Européens à être vigilants et à apporter les mesures nécessaires à l’éradication d’un tel fléau.

 

Je pense traduire votre propre pensée, car vous êtes sûrement déçus de l’approche déficiente de nos Gouvernements et de leur inaction. Je suis également convaincue que la situation faisant qu’un être humain libre soit assujetti à la volonté de quelqu’un d’autre pourra être comparé à de l’esclavagisme.

 

Il n’y a pas de temps à perdre; nous devons exiger des actions législatives plus consistantes, lancer des initiatives populaires, des pétitions rapides et efficaces. Des mesures capables, selon mon point de vue, d’éradiquer et d’éliminer des comportements qui détruisent nos libertés et contrecarrent nos choix individuels.

 

A ce point de vue nous sommes secondés entre autres par la Convention Européenne signée à Genève en 1956. En rassemblant les canevas des conventions antérieures, des conventions non mises en application, la Convention de Genève a fourni une contribution remarquable à la définition de comportements assujettissants et a permis de les considérer comme équivalents à un état d’esclavage.

 

Je suis aussi conscient que cette analogie ne saurait être appliquée dans le domaine pénal, cependant le contenu de la Convention insiste sur le fait que l’esclavage dont nous parlons est non De Jure  mais  De Facto. La Convention met l’accent sur le principe qui veut qu’une norme pénale soit impérative; elle apporte une liste détaillée de cas,  le plus spécifique comprenant des pratiques comparables à la réduction en esclavage dans la catégorie d’assujettissement, apportant ainsi une aide substantielle dans la définition d’une norme pénale appropriée pour remplir le vide actuel.

 

La Convention arrive à la conclusion que des circonstances De facto, en dépit de l’absence de règles écrites, pourraient être assimilées à des situations qui, sur la base du praxis, des traditions et des facteurs environnants, peuvent réduire une personne à un service plein et exclusif de quelqu’un d’autre, présumant ainsi une aliénation totale de sa volonté intime.

 

Une telle interprétation fut définitivement avalisée par les Sections Unifiés de la Cour Suprême d’Italie qui, par la résolution n° 261 de 1997 confirme que l’existence de conditions assimilables à de l’esclavage peuvent survenir non seulement dans des situations De Jure, mais également dans toute situation De Facto, de manière à identifier la soumission exclusive à la volonté de quelqu’un d’autre comme étant égale à celle d’un esclave à son maître.

 

Des tels éclaircissements de la jurisprudence aideraient davantage les juges à incriminer, de manière plus fiable  et avec plus de certitudes, les agissements d’individus qui prennent le pouvoir sur la santé psychologique et physique de victimes assujetties, qui détruisent et annihilent des êtres humains, et qui s’en sortent sans être poursuivis.

 

C’est donc notre devoir de dire « stop » à ces asphyxies, à cet esclavage; persuadons nos Autorités, au moyen d’initiatives et de propositions, d’élaborer des lois propres à protéger la liberté individuelle; soumettons des projets de lois pour remplir le vide normatif.

 

En faisant cela, les juges auront des moyens juridiques appropriés pour incriminer les individus qui continuent à propager des activités d’assujettissement, qui pratiquent la manipulation des esprits d’autrui et qui s’en sortent impunément.

 

C’est sur ces bases que nous invitons les autorités en charge à faire cesser les ambiguïtés existantes, de cesser de fuir devant leurs responsabilités, en créant des outils propres à sauvegarder la liberté individuelle.

 

Aujourd’hui, avec notre engagement et notre  contribution, nous devons ouvrir grand les fenêtres vers le monde extérieur et laisser la chaleur, l’amour et l’espoir entrer dans les foyers, particulièrement auprès de ceux qui sont dans la peine et l’angoisse à cause de la perte de leurs fils et filles encore asservis et assujettis par le conditionnement et la manipulation psychologique, pour que la certitude qu’ils sont toujours aimés puisse atteindre leurs âmes.

 

 

 

Remarques préliminaires sur la proposition de loi

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Il serait opportun  d’examiner et d’approfondir un certain nombre d’aspects contenus dans la résolution de la Cour Constitutionnelle, car ils sont utiles pour établir la proposition d’une nouvelle norme pénale. Pour pouvoir identifier un fait criminel, on doit prendre en considération ses caractéristiques d’être indiscutables,  précises et définies ; ce sont des principes de base qui doivent accompagner toute norme pénale dans le but d’éviter, d’une part l’arbitraire du pouvoir lors de l’application de mesures qui limitent la liberté individuelle, et d’autre part d’octroyer aux juges la possibilité de jouer les législateurs.

 

La norme pénale doit de ce fait identifier concrètement l’acte criminel en présentant des caractéristiques spécifiques et des paramètres faciles à reconnaître, pour aboutir par conséquente à un jugement final déterminant le rapport du  fait délictueux avec la sanction applicable. Des paramètres spécifiques sont nécessaires pour identifier les pratiques illicites et le modus operandi, qui puissent être rapportées directement à la norme pénale.

 

Si tel n’est pas le cas, le concept d’une relation causale entre le fait et l’agissement du sujet n’est pas applicable. A notre époque il est donc obligatoire pour le législateur de rédiger des normes conceptualisées avec précision et clarté, à l’aide de termes compréhensibles se référant à des faits réels.

 

L’Article abrogé n° 603 constitue un exemple manifeste de norme imprécise, à laquelle on ne pouvait rattacher de contenu objectif, rationnel et consistant, car elle n’identifiait pas la dépendance psychologique réelle d’un être humain à un autre. Nous devons éviter que des facteurs similaires, rendant l’application impossible, figurent dans la nouvelle norme. Dans ce but j’ai pris la liberté d’élaborer une esquisse de proposition de loi que j’aimerais soumettre à votre attention.

 

Esquisse d’une Proposition de Loi

 

En tant qu’ expert de la Loi Pénale Italienne, pour combler le vide existant je suggèrerais la voie de recherche suivante, en laissant la place à des suggestions et à des amendements éventuels. Je joindrais l’Article 600 octies (manipulation psychologique) au Titre XII, alinéa II, section I du Livre II du Code Pénal, avec le contenu suivant:

 

1) Sauf si le fait constitue un délit de niveau supérieur, quiconque aurait par violence, menaces, suggestions ou toute autre moyen, manipulé, conditionné et supprimé  l’autonomie ou la détermination de quelqu’un d’autre jusqu’à le réduire à un état dans lequel la liberté individuelle est exclue ou si fortement réduite qu’il se trouve assujetti à la volonté exclusive du contrevenant, sera puni de 4 à 10 ans d’emprisonnement;

 

2) Chaque fois que le fait est commis au sein d’un groupe qui encourage les activités telles qu’indiquées dans le paragraphe 1, avec le but d’établir ou d’exploiter la dépendance psychologique ou physiologique des personnes même lorsque la participation est volontaire, la punition indiquée dans le paragraphe 1 sera augmentée d’un tiers;

 

3) Si les faits indiqués dans le paragraphe 1 et 2 sont commis au détriment de personnes de moins de 18 ans ou qui ne jouissent pas de toutes leurs facultés mentales, même dans le cas où cet état est temporaire, la punition ne saurait être inférieure à 10 ans.

 

Par voie de conséquence, la norme pénale qui en découlerait aurait  les réquisits suivants:

 

1) Infraction dont la perpétration est déterminée par l’existence d’un acte criminel dans lequel l’identification des circonstances concrètes qui pourraient être incluses dans la définition est laissé au juge : celui-ci n’a pas obligation de vérifier les manières spécifiques d’exécution, ou les caractéristiques matérielles spécifiques, mais il a seulement le devoir de vérifier que le cas relève d’actes et de pratiques qui soient opportunes et sans ambiguïté au regard de l’agissement incriminé;

2) Infraction nécessairement intentionnelle

3) Infraction possiblement collective

4) Infraction dans un but déterminé

5) La tentative peut également constituer une Infraction

6) Infraction préjudiciable qui pose comme principe l’établissement véritable d’un état servile d’assujettissement;

7) Comme obligation, elle comprendra l’abandon volontaire des pratiques qui tiennent la personne dans un état d’assujettissement.